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lundi 5 décembre 2016

Cheikh Anta avait raison

Cheikh Anta Diop
Il a toujours affirmé qu’aucun pays ne s’est développé avec la langue d’autrui. Il a toujours pensé que notre développement passera par la diffusion du savoir dans nos langues locales. L’histoire lui a donné raison.

Aujourd'hui, le Sénégal peine à s’extirper du gouffre du sous-développement dont il ne cesse de s'enliser. Notre pays est surtout l’un des pays les plus pauvres et les plus endettés au monde. Le Sénégal était quasiment au même niveau de développement que la Corée (du Sud) dans les années 60. Un pays qui fait partie de nos jours des quinze (15) puissances économiques mondiales. Ce pays a su rester compétitif sur le plan international. Pourtant sa langue (le coréen), n’est parlée que par son voisin; la Corée du Nord, le pays le plus fermé au monde.

Cheikh Anta Diop ne s’est pas juste contenté d’émettre cette idée, il l’a démontrée. Il a traduit dans « Nations Nègres et cultures »1 des concepts de physique en wolof, ce qui prouve que même les sciences les plus pointues pouvaient être traduites dans nos langues.

De nos jours, de plus en plus d’intellectuels défendent l’idée selon laquelle, on doit enseigner dans nos langues africaines. Ils s’appuient notamment sur des études scientifiques qui prouvent que les enfants scolarisés dans leurs langues maternelles ont moins de chance de redoubler que leurs camarades qui ont été scolarisés en français. Les premiers possèdent déjà les connaissances rudimentaires sur leur sujet d’apprentissage. Ceux qui sont scolarisés en français subissent quant à eux un sevrage brutal de leur langue maternelle. Ce qui les oblige à faire leur apprentissage dans une langue qui n’est pas parlée dans leur environnement immédiat.

D’ailleurs, le pays de Senghor délaisse de plus en plus le français. L’omniprésence de la langue de Kocc Barma2 est en phase d’éclipser celle de Molière. Le français apparait progressivement comme la langue de l’élite ce qui ne permet nullement la démocratisation du savoir.
Cheikh Anta Diop  a toujours considéré le président Senghor, le francophile, comme un danger pour l’avenir de notre pays. En effet, le premier président du Sénégal a toujours été fasciné par la langue du colon tandis que Cheikh Anta considérait cette langue comme un véhicule d’aliénation.

Selon un rapport de l’Unesco dans lequel sur les 20 pays qui font plus de publications académiques, on retrouve 12 pays où la langue officielle n’est parlée que dans lesdits pays et leurs zones frontalières. Parmi ces 12 pays on retrouve Israël et le Japon, deux pays dont les langues ne sont parlées que (dans) leur territoire mais qui sont connus pour être à la pointe de la technologie.

 Ce plaidoyer pour l’enseignement des langues locales est une revanche de Cheikh Anta Diop sur l’histoire. Lui qui a été confiné dans son laboratoire de l’Institut fondamentalement de l’Afrique Noire (IFAN). L’enseignement de ses pensées dans les programmes scolaires est aussi une victoire pour l’un des plus grands savants noirs du XXe siècle.


1Traduction de concepts physiques et chimiques (pp 368-380)

2Le wolof

samedi 3 décembre 2016

Jammeh, pris à son propre piège

Yaya JAMMEH
La défaite de Yaya Jammeh a sonné comme un coup de tonnerre d’autant plus que (presque) tout le monde considérait cette élection présidentielle comme gagnée d’avance. Le dictateur a surpris le monde en reconnaissant sa défaite. Cette défaite a tellement surpris que certains imaginent un compromis au sommet de l’Etat.

En vérité, Yaya Jammeh s’est pris à son propre piège. Le dirigeant autocrate a largement sous-estimé son principal adversaire Adama Barrow. Ce dernier,  homme politique très discret, est quasiment inconnu des gambiens. Barrow dont tous les camarades du bureau politique de son parti sont actuellement en prison,  est en fait un candidat par défaut.
La principale erreur de Jammeh est la nomination à la tête de la commission électorale un homme qui n’a rien à perdre. Un vieil homme de 80 ans qui a juré sur le Coran et la constitution de se plier à la volonté du peuple gambien. Il a aussi exigé le comptage des voix sur place, ce qui limite les risques de fraude.  Le président gambien qui a une haute idée de sa personne (comme tous les autocrates d’ailleurs) et de sa « popularité » valide ainsi un système qui va sonner le glas de son régime. Il a voulu légitimer son régime répressif mais il a inconsciemment donné l’opportunité aux gambiens une des rares tribunes où ils pouvaient s’exprimer librement.  Les résultats sont sans appel, il a été battu par un inconnu et mis devant le fait accompli, il n’avait d’autre choix que de reconnaitre sa défaite.
Pourtant le peuple gambien a bien lancé des signaux que nous n’avons pas perçus ou que nous avons refusés de percevoir. En effet, depuis deux ans ce pays est secoué par des remous politiques qui ont été rapidement étouffés. Les marches de l’opposition ont souvent été réprimées dans le sang. Les milliers de jeunes gambiens qui prennent la mer témoignent de l’exaspération et du désespoir de la jeunesse de ce pays.


Aujourd’hui que Yaya Jammeh a perdu le pouvoir, le défi de son successeur est de le traduire devant la justice. Sous son magistère, de nombreux gambiens auront « disparu », des opposants assassinés, d’autres sont morts en prison.

Une ère nouvelle s’ouvre (de liberté) pour la Gambie mais également un espoir de normalisation de ses relations avec son voisin immédiat le Sénégal. Le prédécesseur de Barrow a toujours méprisé le pays de la téranga plus particulièrement ses présidents. Un espoir d’ouverture pour cette enclave et plus de liberté d’expression.